Bleu
Orange Production, une création de Nathalie Chappaz et Brigitte Pasquelin

28 avril 2012

Le point sur les Partenariats Public-Privé (PPP)


Le partenariat public-privé (PPP) est somme toute une voie intéressante particulièrement adaptée aux projets où l’objectif de qualité du service public nécessite de lourds investissements, comme dans les métiers de l’eau, du transport et de la santé. Le recours à des opérateurs privés pour leur capacité de financement, leur technicité et leur force de déploiement, peut s’avérer nécessaire, sous condition que l’intérêt public y soit garanti.
Plusieurs projets en cours tenteraient à démontrer le contraire. On leur reprocherait de n’apporter aucun bénéfice à la collectivité en matière de coût ou d'efficacité de gestion, voire même d’alourdir la facture pour les contribuables. Les loyers versés au privé reviendraient au final à payer bien plus cher le coût de l'équipement initial. Ainsi, le futur Pentagone français, évalué à 745 M€, coûterait à l'Etat plus de 3,5 Mds€ de loyers sur 27 ans. Le Centre hospitalier Sud francilien de Corbeil-Essonnes conduit par Eiffage, nécessiterait 115 M€ supplémentaires par rapport au devis d'origine. (Source : Le Parisien 09.01.2012)
Au Canada, où les PPP font également l’objet de critiques, un rapport publié en 2007, rédigé à la demande de la Fédération des municipalités, s’est ému sur l’inefficacité de leur fonctionnement. L’étude indépendante n’y décèle aucune économie, bien au contraire. Car lorsqu’on tient compte des dépassements de coûts, des amendements aux contrats à long terme et des modifications des priorités publiques, plusieurs de ces projets ont finalement été plus dispendieux qu’un projet équivalent directement financé par la collectivité publique.
Alors que penser des PPP ? Montages salvateurs aux effets pervers ? Pourquoi les PPP sont-ils ainsi décriés par la presse économique ? Et qu’entend-t-on au juste par PPP ?
 par Brigitte Pasquelin

L’histoire d’une imposture (usurpation) sémantique
Sous le terme de « partenariat public-privé (PPP) », on entend le plus souvent un mode de financement contractualisé qui fait référence au contrat de partenariat public-privé (CPPP ou CP), qui est une des dernières formes de PPP créée en juin 2004 par ordonnance du gouvernement Raffarin. L'usage du terme partenariat public-privé (PPP) pour désigner ces seuls contrats s'est ainsi imposé. Or il ne s’agit aucunement d’un partenariat fondé sur une gouvernance partagée comme l’économie mixte le suggère.
La notoriété des CP mérite que l’on détaille ses particularités
Les contrats de partenariat (CP) sont réalisés entre une autorité publique et un consortium privé, réunissant en général banques, investisseurs, entreprises du BTP et/ou prestataires de service. Ils accordent au Privé la gestion de l’équipement durant plusieurs décennies, en échange d'un loyer payé par le Public, dont la rémunération est fixée lors de la signature du contrat.
La différence fondamentale entre les CP et les autres formes de PPP résulte du mode de rémunération retenu. Dans le cas d’un marché public, le paiement de la prestation de services, de fournitures  ou de travaux est intégral au fur et à mesure de la réalisation et le financement est assuré directement par l'acheteur public. Pour une délégation de service public (DSP), le Privé, qui exploite le bien, se rémunère sur les recettes d'exploitation du service.
Un avantage comptable de taille pour masquer la dette publique
L’engouement des collectivités pour les CP s’explique par le fait que, jusqu'à maintenant, les loyers n'étaient pas inscrits au bilan des collectivités locales et de l'État, permettant ainsi, par un artifice comptable, de ne pas faire apparaître dans le budget de lourdes charges financières venant gonfler la dette publique.
Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine, président de l'Association des régions de France, défend : « C’est une solution de facilité pour ne pas dire un poison insidieux… Il est temps d’inventer autre chose. Elle autorise les collectivités à ne pas trancher entre plusieurs investissements et lancer en même temps divers investissements. Pourquoi hésiter entre un contournement d’agglomération et un collège quand on peut s’offrir les deux ? » (Source : La Tribune, le 16.02.2012.)
La forme contractuelle ne suffit pas à garantir l'intérêt public
L'écart des intérêts qui animent les deux parties, publique et privée, constitue un risque majeur pour la préservation de l’objectif initial émis par la collectivité. Même contractualisé (et soumis à pénalités financières en cas de non respect), cet objectif a de fortes chances de subir des distorsions. Il dépend de la qualité et de l’exhaustivité de la rédaction contractuelle, de la compétence des acteurs publics et de celle de leurs experts, et aussi de leur vision prospective pour répondre de la qualité de la conception et de la bonne évaluation. Un Contrat en Partenariat engage la collectivité sur de très longues périodes, et le « blindage » de ces contrats coûte une fortune à modifier en cas de révision des priorités publiques, et par définition, il ne peut être rompu unilatéralement par la collectivité en cas de problème. Par ailleurs, ce long terme dilue la responsabilité politique.
Le risque de « privatisation du patrimoine public »
Sur les risques pour la collectivité, Alain Rousset s’exprime ainsi : « … Tout aussi inquiétant est la perte de compétence que porte en germe le PPP. Que pèseront demain les collectivités locales et l’Etat si les partenariats public-privé se généralisent ? Plus rien. Leur capacité à imaginer et à concevoir des projets publics disparaitra. Leur compétence à les gérer aussi. Il y aura alors un transfert, une sorte de « privatisation du patrimoine public… » (Source : La Tribune, le 16.02.2012.)
En effet, pendant la période d'exécution du contrat, le savoir-faire et les moyens de la collectivité sont irrémédiablement diminués du fait du transfert vers le secteur privé. Se pose alors le problème de la qualité de la gestion et de l'exploitation de l'ouvrage lorsque, à la fin du CP, celui-ci revient à la collectivité.
 « Ma méfiance pour les PPP se nourrit d’un autre constat », poursuit Alain Rousset. « Ils profitent aux grands groupes et non aux PME voire aux entreprises de taille intermédiaire. » Selon les données de la Mission d'appui aux PPP (MAPPP), depuis 2006, trois grandes firmes du BTP se sont partagées 90% des plus gros contrats. Cette prédominance de quelques groupes s'explique notamment par le montant des études de marché devant être engagées avant de postuler. Les entreprises plus petites n’ont pas les reins assez solides pour se mesurer à eux.
Se prémunir des effets induits
Enfin, un risque ultime concerne les effets induits par les process de construction et d’exploitation de l’ouvrage que la personne publique transfère au prestataire privé, sans pour autant considérer ces effets dans le périmètre d’évaluation de la performance du prestataire - des effets négatifs qui mettent en jeu l'intérêt même de la collectivité : des effets sur l’environnement comme les pollutions, nuisances sonores,…, et des effets au plan social : réduction des effectifs de main d’œuvre, etc.
Quant à inventer autre chose …
Dans le prolongement des sociétés d’économie mixte (SEM) et des Société Publiques Locales (SPL), la Fédération Nationales des Entreprises Locales (FNEPL), travaille à la mise en œuvre d’un nouveau type de partenariat public privé : la « SEM contrat » (ou « SEM projet »).
Déjà la Commission européenne distingue les partenariats publics-privés dits « institutionnalisés » (PPPI), qui opèrent au travers de l'établissement d'une entité à capital mixte, des PPP dits « contractuels » (PPPC), qui se fondent uniquement sur des liens contractuels.
Une proposition législative est attendue pour être utilisable en France.
Les « SEM contrat » sont une voie d’avenir, une alternative au contrat de partenariat public-privé (CP)
Les SEM contrat doivent donner la possibilité aux collectivités locales de confier un contrat à une SEM, d’en choisir les actionnaires, et de leur confier la mission opérationnelle, le tout dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence unique.
Le dispositif «SEM-contrat» permettra à la collectivité publique de conserver la maîtrise politique d’une opération(1) tout en donnant à «l’actionnaire-opérateur» un rôle majoritaire dans la gestion du risque économique.
(1) La part du capital détenue par le public ne peut descendre en-deçà de la minorité de blocage de 34%, ni dépasser le plafond de 85%.