Le partenariat public-privé (PPP)
est somme toute une voie intéressante particulièrement adaptée aux projets où l’objectif
de qualité du service public nécessite de lourds investissements, comme dans
les métiers de l’eau, du transport et de la santé. Le recours à des opérateurs
privés pour leur capacité de financement, leur technicité et leur force de
déploiement, peut s’avérer nécessaire, sous condition que l’intérêt public y soit
garanti.
Plusieurs projets en cours tenteraient
à démontrer le contraire. On leur reprocherait de n’apporter aucun bénéfice à
la collectivité en matière de coût ou d'efficacité de gestion, voire même d’alourdir
la facture pour les contribuables. Les loyers versés au privé reviendraient au
final à payer bien plus cher le coût de l'équipement initial. Ainsi, le futur
Pentagone français, évalué à 745 M€, coûterait à l'Etat plus de
3,5 Mds€ de loyers sur 27 ans. Le Centre hospitalier Sud
francilien de Corbeil-Essonnes conduit par Eiffage, nécessiterait 115 M€
supplémentaires par rapport au devis d'origine. (Source : Le
Parisien 09.01.2012)
Au Canada, où les PPP font également
l’objet de critiques, un rapport publié en 2007, rédigé à la demande de la
Fédération des municipalités, s’est ému sur l’inefficacité de leur
fonctionnement. L’étude indépendante n’y décèle aucune économie, bien au
contraire. Car lorsqu’on tient compte des dépassements de coûts, des
amendements aux contrats à long terme et des modifications des priorités
publiques, plusieurs de ces projets ont finalement été plus dispendieux qu’un
projet équivalent directement financé par la collectivité publique.
Alors que penser des PPP ?
Montages salvateurs aux effets pervers ? Pourquoi les PPP sont-ils ainsi
décriés par la presse économique ? Et qu’entend-t-on au juste par PPP ?
par Brigitte Pasquelin
L’histoire d’une imposture (usurpation) sémantique
Sous le terme de « partenariat
public-privé (PPP) », on entend le plus souvent un mode de financement contractualisé
qui fait référence au contrat de partenariat
public-privé (CPPP ou CP), qui est une des dernières formes de PPP créée en
juin 2004 par ordonnance du gouvernement
Raffarin. L'usage du terme partenariat public-privé (PPP) pour désigner ces
seuls contrats s'est ainsi imposé. Or il ne s’agit aucunement d’un partenariat fondé
sur une gouvernance partagée comme l’économie mixte le suggère.
La notoriété des CP mérite que l’on détaille ses
particularités
Les contrats de
partenariat (CP) sont réalisés entre une autorité publique et un consortium
privé, réunissant en général banques, investisseurs, entreprises du BTP et/ou prestataires
de service. Ils accordent au Privé la gestion de l’équipement durant plusieurs
décennies, en échange d'un loyer payé par le Public, dont la rémunération est
fixée lors de la signature du contrat.
La différence fondamentale entre les
CP et les autres formes de PPP résulte du mode de rémunération retenu. Dans le
cas d’un marché public, le paiement de la prestation de services, de
fournitures ou de travaux est intégral au fur et à mesure de la réalisation
et le financement est assuré directement par l'acheteur public. Pour une
délégation de service public (DSP), le Privé, qui exploite le bien, se rémunère
sur les recettes d'exploitation du service.
Un avantage comptable de taille pour masquer la
dette publique
L’engouement des
collectivités pour les CP s’explique par le fait que, jusqu'à maintenant, les
loyers n'étaient pas inscrits au bilan des collectivités locales et de l'État, permettant ainsi, par un artifice
comptable, de ne pas faire apparaître dans le budget de lourdes charges
financières venant gonfler la dette publique.
Alain Rousset, président du Conseil
régional d'Aquitaine, président de l'Association des régions de France,
défend : « C’est une solution
de facilité pour ne pas dire un poison insidieux… Il est temps d’inventer autre
chose. Elle autorise les
collectivités à ne pas trancher entre plusieurs investissements et lancer en
même temps divers investissements. Pourquoi hésiter entre un contournement
d’agglomération et un collège quand on peut s’offrir les deux ? » (Source : La Tribune, le 16.02.2012.)
La forme contractuelle ne suffit pas à garantir l'intérêt
public
L'écart des intérêts qui animent les
deux parties, publique et privée, constitue un risque majeur pour la
préservation de l’objectif initial émis par la collectivité. Même
contractualisé (et soumis à pénalités financières en cas de non respect), cet objectif
a de fortes chances de subir des distorsions. Il dépend de la qualité et de
l’exhaustivité de la rédaction contractuelle, de la compétence des acteurs publics
et de celle de leurs experts, et aussi de leur vision prospective pour répondre
de la qualité de la conception et de la bonne évaluation. Un Contrat en
Partenariat engage la collectivité sur de très longues périodes, et le
« blindage » de ces contrats coûte une fortune à modifier en cas de
révision des priorités publiques, et par définition, il ne peut être rompu
unilatéralement par la collectivité en cas de problème. Par ailleurs, ce long
terme dilue la responsabilité politique.
Le risque de « privatisation du patrimoine public »
Sur les risques pour
la collectivité, Alain Rousset s’exprime ainsi : « … Tout aussi inquiétant est la perte de compétence que porte en
germe le PPP. Que pèseront demain les collectivités locales et l’Etat si les
partenariats public-privé se généralisent ? Plus rien. Leur capacité à imaginer
et à concevoir des projets publics disparaitra. Leur compétence à les gérer
aussi. Il y aura alors un transfert, une sorte de « privatisation du patrimoine
public… » (Source : La Tribune, le 16.02.2012.)
En effet, pendant la période
d'exécution du contrat, le savoir-faire et les moyens de la collectivité sont
irrémédiablement diminués du fait du transfert vers le secteur privé. Se pose
alors le problème de la qualité de la gestion et de l'exploitation de l'ouvrage
lorsque, à la fin du CP, celui-ci revient à la collectivité.
« Ma
méfiance pour les PPP se nourrit d’un autre constat », poursuit Alain
Rousset. « Ils profitent aux grands groupes et non aux PME voire aux entreprises
de taille intermédiaire. » Selon les données de la Mission d'appui aux
PPP (MAPPP), depuis 2006, trois grandes firmes du BTP se sont partagées 90% des
plus gros contrats. Cette prédominance de quelques groupes s'explique notamment
par le montant des études de marché devant être engagées avant de postuler. Les
entreprises plus petites n’ont pas les reins assez solides pour se mesurer à
eux.
Se prémunir des effets induits
Enfin, un risque ultime concerne les
effets induits par les process de construction et d’exploitation de l’ouvrage
que la personne publique transfère au prestataire privé, sans pour autant considérer
ces effets dans le périmètre d’évaluation de la performance du prestataire - des
effets négatifs qui mettent en jeu l'intérêt même de la collectivité : des
effets sur l’environnement comme les pollutions, nuisances sonores,…, et des
effets au plan social : réduction des effectifs de main d’œuvre, etc.
Quant à inventer autre chose …
Dans le prolongement
des sociétés d’économie mixte (SEM) et des Société Publiques Locales (SPL), la Fédération
Nationales des Entreprises Locales (FNEPL), travaille à la mise en œuvre d’un
nouveau type de partenariat public privé : la « SEM contrat » (ou
« SEM projet »).
Déjà la Commission
européenne distingue les partenariats
publics-privés dits « institutionnalisés » (PPPI), qui opèrent au
travers de l'établissement d'une entité à capital mixte, des PPP dits « contractuels » (PPPC),
qui se fondent uniquement sur des liens contractuels.
Une proposition législative est attendue
pour être utilisable en France.
Les « SEM contrat » sont une voie d’avenir, une
alternative au contrat de partenariat public-privé (CP)
Les SEM contrat
doivent donner la possibilité aux collectivités locales de confier un contrat à
une SEM, d’en choisir les actionnaires, et de leur confier la mission
opérationnelle, le tout dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence
unique.
Le dispositif «SEM-contrat»
permettra à la collectivité publique de conserver la maîtrise politique d’une
opération(1) tout en donnant à «l’actionnaire-opérateur» un rôle majoritaire
dans la gestion du risque économique.
(1) La part du capital détenue par le public ne peut
descendre en-deçà de la minorité de blocage de 34%, ni dépasser le plafond de
85%.